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demi-livre de pain. Celui-ci valait 6 000 francs les 100 livres ; le foin, 9 000 francs le « millier » ; le bois, 5 776 francs la corde. Les journées d’ouvriers étaient taxées 20, 30 et 40 livres par jour. Les assignats étaient tombés si bas, dit une correspondance de l’époque, qu’on refusait de recevoir 1 000 francs pour le décrottage d’une paire de souliers. Pourtant, la ville de Rennes avait émis, dès 1792, pour 450 000 francs de « billets de confiance ». Au 12 messidor an II, 368 826 francs avaient été remboursés, brûlés publiquement par le caissier municipal Louis, et, le même jour, le remboursement intégral avait été voté par la ville. La nouvelle de la pacification de la Bretagne fut donc accueillie avec un enthousiasme explicable.

Sous l’Empire, Rennes fut dotée d’une Faculté de droit ; en 1836, d’une Faculté des lettres ; en 1840, d’une Faculté des sciences. Plus tard, fut installée une École secondaire de médecine. Le dépôt de mendicité fut organisé d’une manière spéciale. Créé en 1776 par ordonnance de Louis XVI, on y installe en 1810 des métiers pour le tissage des laines communes, des toiles, des tissus grossiers : le produit du travail des mendiants est utilisé à leur nourriture et à la constitution d’un pécule pour le jour où ils sont remis en liberté avec le goût du travail.

Aujourd’hui, l’activité industrielle porte sur la fabrication des toiles, la filature des laines, la blanchisserie, la fonderie pour les besoins de l’arsenal, l’imprimerie. Placée à l’intersection de nombreuses voies de communication, Rennes pourrait être une cité industrielle d’importance. Il n’en est rien. L’augmentation de trente mille habitants dont elle a bénéficié depuis une soixantaine d’années semble être uniquement due à l’extension prise par son commerce local et au développement de ses établissements d’instruction. Il s’y fait surtout un commerce de beurres, grains, farines, cuirs, volailles, œufs. Le beurre est fabriqué dans un rayon de 15 à 20 kilomètres, les approvisionnements s’effectuent principalement sur les marchés de Janzé, Saint-Aubin-du-Cormier, Saint-Germain-sur-Ille, Bécherel, Montfort, la Prévalaye, Pacé, Saint-Grégoire.

LE MENHIR DU CHAMP-DOLENT.

La parure de Rennes, c’est la verdure qui l’entoure. Celui qui veut échapper à la tristesse de la cité peut en quelques instants trouver l’asile ombreux des bois. La forêt domaniale de Rennes offre à la promenade ses 4 000 hectares garnis de chênes, de hêtres, de bouleaux. On peut aller, sans quitter les arbres, jusqu’à Liffré, et même jusqu’à Saint-Aubin-du-Cormier, parcourir la forêt de Sevailles, pousser jusqu’à la ferme des Sérigné, jusqu’aux hauts fourneaux de Sérigné approvisionnés d’eau par l’étang voisin, jusqu’aux vieilles maisons et au donjon de Chevré, jusqu’à l’étang du Vernier. De Rennes en allant vers l’ouest, ce ne sont que forêts interrompues par de larges éclaircies, jusqu’à Belle-Île-en-Terre. Partout, les pierres éparses des monuments d’autrefois. À la Haute-Sève, peuplée de chênes géants, un groupe de six menhirs, les Roches Piquées, se dresse. Les souvenirs d’une histoire plus proche se mêlent au décor du passé légendaire. À Châteaugiron, qui fut pris d’assaut par Mercœur en 1592, la garnison fut pendue aux branches d’un chêne qui garda le nom de Chêne des Pendus. Les femmes de Châteaugiron, heureusement, sont d’habiles dentellières dont l’industrie gracieuse fait oublier ces temps de sauvagerie. Au château de la Prévalaye, plus proche de Rennes, à 3 kilomètres, il y eut deux séjours de Henri IV, et c’est dans l’une des salles qu’eurent lieu, en 1795, les conférences des chefs royalistes et des généraux républicains en vue de la pacification. Le traité fut signé à la ferme de la Mabilais.


II. — Le Pays de Dol et de Saint-Malo.


Le Marais. — Le Mont-Dol. — La Grand’rue de Dol. — La Cathédrale.


J’ai énuméré les côtes de Bretagne, qui laissent à l’esprit une impression si profonde de grandeur tragique et de douceur sauvage. On assiste là aux horreurs et aux accalmies de la lutte entre ces deux forces de la nature : l’une, la mer, qui harcèle constamment l’autre, la terre résistante. Il est une autre force, non