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après la chute de sa tour, survenue en 1513 et relatée en ces termes sur une pierre encastrée au mur de la sacristie :

En 1513 la tour chut
De céans qui le peuple esmut,
Un soir, jour de la Trinité ;
Par quoi fut de nécessité
A restablir tout de nouveau
Ce moustier grand et beau.

Et encore, Saint-Sauveur, chapelle au xiiie siècle, cure en 1667, écroulée en 1682 (il y a décidément un mauvais sort sur les églises de Rennes}, reconstruite de 1696 à 1728 ; Saint-Hellier, du xve siècle, affecté pendant la Révolution à l’artillerie de la Mayenne.

C’est dans ce décor, sommairement dressé, que s’est déroulée l’histoire de Rennes, qui se confond avec l’histoire de la Bretagne. Dire l’une, c’est presque dire l’autre. Pour commencer on ne sait rien. On suppose que Rennes fut une ancienne ville des Gaules, puis on apprend que l’antique Condate Rhedonum, dont on a fait Rhedones, puis Rennes, avant d’être soumise à l’autorité du romain P. Crassus, se gouvernait en république, ainsi que la plupart des autres villes de l’Armorique. C’était la capitale d’un territoire qui s’étendait des rives de la Vilaine jusqu’à la mer. L’archéologie croit pouvoir affirmer que cette ancienne ville occupait les terrains où est bâtie aujourd’hui l’église Saint-Martin : on a retrouvé les traces de murs et d’une tour au lieu dit champ de La Cochardière. Rennes apparaît ensuite conquise au christianisme, pourvue d’un évêché important. Elle ne prend aucune part à la révolte des Vénètes ; mais à la fin du iiie siècle, elle est affranchie du joug romain, et Gradlon, roi des Bretons, la choisit comme capitale. Soumise ensuite à Clovis, affranchie de nouveau, reprise par Charlemagne, échappant à ses successeurs, formidablement armée par Noménoë, prise par le duc Pasquiten en 874, incendiée en 1127, conquise en 1155 par Conan et Henri II, comte de Nantes et allié de Conan, Rennes, à l’époque de la guerre entre Jean de Montfort et Charles de Blois, prend parti pour ce dernier. Le sang y coule à flots. Montfort et les Anglais l’abandonnent en 1342, veulent la reprendre en 1356, sont mis en fuite par Du Guesclin. La suzeraineté de Charles V est reconnue en 1375, mais Rennes et la Bretagne résistent à l’annexion, et c’est plus de cent ans après, en 1491, que le duc de la Trémoïlle obtient, au nom de Charles VIII épousant la duchesse Anne, le traité qui rattache définitivement la Bretagne à la France.

Rennes, agrandie et prospère, ses bourgeois pourvus de privilèges, reste sous la monarchie le siège du gouvernement provincial. Une ordonnance de Charles IX, en 1560, en fait le siège du Parlement de Bretagne. Les esprits ne sont pas, toutefois, pacifiés. Il y a la révolte de Mercœur en 1582, la guerre de la Ligue de Bretagne en 1589, et la reprise par l’autorité royale. Henri IV y tient les États en 1598, et c’est le calme jusqu’à la Révolution, qui éclate à Rennes avant d’éclater à Paris, annoncée, préparée, par la résistance du Parlement aux édits royaux.

COSTUME DE MINIAC.

L’effervescence est vive pendant toute la durée de la Révolution. Les enrôlements volontaires sont continus. Les canonniers bourgeois demandent à être casernés au moment de la fuite de Louis XVI et de la menace des armées étrangères. À cette ferveur républicaine répond la Chouannerie dont les premiers mouvements se manifestent près d’Antrain. Le marquis Tuffin de la Rouërie, ancien colonel aux guerres de l’Indépendance américaine, ourdit une conspiration qui amène l’exécution de treize conjurés à Fougères. Pour la première fois, le 28 octobre 1792, la guillotine fonctionne aussi à Rennes où la réaction s’est manifestée aussitôt que la population virile a couru aux frontières de l’Est. Trois commissaires, Merlin, Gillet et Sevestre, sont délégués par la Convention, en mai 1793, près de l’armée des Côtes, et viennent s’installer à Rennes. Avant d’être envoyé à Nantes, Carrier est chargé de la réorganisation municipale et judiciaire de Rennes. Les réunions ont lieu aux Cordeliers, dans l’antique salle des États de Bretagne.

La Chouannerie gagne la Vendée, menace d’envahir la Bretagne. La misère est à Rennes. Il est impossible aux ouvriers de retirer de leur salaire en assignats plus que la somme nécessaire à l’achat d’une