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du Gobelin, du Hallay, de Pléguen et d’Amboise. L’une de ces tours, celle du Gobelin, abrite un musée fermé pour l’instant et mis sous scellés. Du haut du chemin de ronde rempli de gravats, on a une vue sur la ville, les environs, la colline avoisinante. En bas, vers Saint-Sulpice, des jeunes gens jouent paisiblement aux boules dans les fossés où fut versé tant de sang. Tout au loin, la barre sombre de la forêt de Fougères.

La ville regagnée, c’est Saint-Léonard au portail gothique flamboyant, à la balustrade Renaissance ; c’est l’ancien couvent des Ursulines qui abrite le collège et la bibliothèque ; c’est l’Abbaye de Rillé où logent les sourds-muets ; c’est la tour du Beffroi de l’Auditoire, où le timbre de l’horloge date de 1304 ; c’est, auprès de la gare, une construction entourée d’un vaste terrain, allées et pelouse, semblable à une piste de vélodrome, et qui est le château de la Chinardière. Hors la ville, c’est la verrerie de Laignelet, à 3 kilomètres, et c’est la forêt.

Ses 1 700 hectares appartiennent au domaine public. Tous les arbres y croissent, surtout le hêtre. La route qui conduit à Louvigné-du-Désert la traverse. Non loin de cette route, subsiste un chapelet de quatre-vingts blocs de quartz peu élevés, le « Cordon des Druides ». Les prêtres du culte ancien enseignaient là que « la matière et l’esprit sont éternels ; que l’univers, bien que soumis à de perpétuelles variations de forme, reste inaltérable et indestructible dans sa substance ; que l’eau et le feu sont les agents tout-puissants de ces variations, et par l’effet de leur prédominance successive, opèrent les grandes révolutions de la nature ; qu’enfin, l’âme humaine, au sortir du corps, va donner la vie et le mouvement à d’autres êtres ». Au viiie siècle, après les dernières conquêtes du christianisme, les Cordeliers bâtirent une chapelle dont on voit encore les ruines à proximité du Cordon des Druides. Et tout près, en suivant l’allée des Hauts-Vents, est la Pierre du Trésor, dolmen à demi renversé par la chute d’un arbre. Pierres druidiques et ruines de chapelles font bon ménage. En somme, les premiers prêtres catholiques se sont bornés à s’installer auprès de ces monuments, qu’ils ont respectés comme s’il y avait eu en eux, — qui sait ? — un mélange de croyances, une crainte de profaner le culte d’hier. Ce sentiment devait être, après tout, celui des populations à gagner. Les transitions peuvent être presque invisibles, dans les phénomènes du monde moral, comme dans les phénomènes du monde physique. Il y a des états intermédiaires entre les idées comme entre les époques et les saisons. C’est ainsi que le premier christianisme a pu être mélangé de druidisme. On a pu accoler l’oratoire au dolmen, ou fixer une croix au sommet du menhir, et la vie religieuse n’a pas eu, peut-être, de solution de continuité.

Si l’on ne prend pas le chemin de fer pour aller de Fougères à Louvigné-du-Désert, si l’on continue à suivre la route nationale qui traverse la forêt, on laisse, sur la gauche, Parigné et son menhir renversé, l’Épaulée du Diable, une croix ancienne dans le voisinage du château de la Villegontier, l’étang de la Lande Morel, puis Villamée, et sur la droite, La Bazouges du Désert, bourg assez important avec ses deux châteaux, La Bignette et La Boizardière.


(À suivre.) Gustave Geffroy.


VIEILLES MAISONS À VITRE.