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passion du Christ et les trois croix du Calvaire, le tout encadré de pampres garnis de fruits mûrs naïvement coloriés. Sous le tabernacle, dans une vitrine, une petite idole en cire : sainte Viviane. Auprès d’un autre autel, dans une niche, un saint Roch assis sur une pierre, et devant lui une pénitente à genoux. On marche sur des pierres tombales aux inscriptions à demi effacées. Aux murailles, des peintures du xviie siècle, un Sacrifice d’Abraham, une Assomption ; dans une chapelle, une Descente de croix, de Deveria.

Il faut repasser la porte Saint-Sulpice pour arriver à l’entrée du Château, dont la silhouette ruinée se dresse en face d’une colline dans laquelle il semble vouloir enfoncer l’éperon audacieux d’un angle avancé. On répare, ou refait, on arrivera peut-être à remettre en état la forteresse féodale. Je crains pourtant que l’on n’aboutisse qu’à un décor neuf et banal. Telle qu’elle est, cette ruine garde au contraire son caractère et sa majesté et donne suffisamment à voir comment les lignes, les angles, la direction des créneaux, des meurtrières, la perspective des chemins de ronde, les trappes des mâchicoulis, avaient été combinés pour résister aux attaques et aux coups de mains des troupes les plus hardies. Les corps de logis ont été rasés en partie et remplacés, à côté de l’ancien puits, par une construction en planches qui servait, il y a peu de temps, d’écurie aux chevaux d’un officier supérieur, logé au pavillon d’entrée. La cour est devenue un jardin d’herbes folles, un verger de hasard où des pommiers et des poiriers croissent parmi les gazons, les orties, les fleurs. On peut être tenté d’envier le militaire qui eut l’idée de louer à la municipalité de Fougères cette retraite, où, tout en voisinant avec la civilisation d’une ville, il pouvait se croire détaché dans quelque lointain poste avancé, garnisaire d’un pays abandonné par ses habitants. Quand, dans une vingtaine d’années, un jardin anglais aura remplacé ce Paradou, que les murailles seront relevées, les tours recrépies, on ne pourra guère s’imaginer ces débris d’aujourd’hui où se résume l’histoire de Fougères.

Lorsque, par la faute de Raoul II, le château bâti par Méen eut été rasé, on entreprit, en 1173, de réédifier la forteresse actuelle. Les conquérants y ont tous laissé des traces de leur passage. Le baron Raoul y a sa tour. Une autre tour est désignée du nom de l’aventurier Surienne. Ces trois autres barons ont marqué la date de leurs règnes : Geoffroy, Hugues et Guy de Lusignan, descendants de la fée Mélusine. Plus tard, les ducs de Bretagne, devenus maîtres de la baronnie de Fougères, modifient, consolident la forteresse, notamment le duc Pierre, mari de Françoise d’Amboise. L’entrée est protégée par trois tours, dont les toitures ont été réparées, cinq autres tours protégeaient la place proprement dite. L’une d’elles, la tour de Coigny, couvrait la chapelle. Une autre a été abattue. Les trois suivantes font face à l’église Saint-Sulpice : la tour du Cadran, la tour Raoul, la tour Surienne. Le donjon n’existe plus. Sur d’autres points s’élèvent les tours Guibé,

FOUGÈRES, LA VILLE, VUE PRISE DU CHÂTEAU.