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l’église dont les vitraux volèrent en éclats. La Bretonne s’en retourna guérie dans son pays. Pense-t-on à ce que pouvait être au moyen âge un pareil voyage, et n’est-ce pas une chose extraordinaire que la confiance qui le pouvait faire entreprendre ?

Quoi qu’il en soit, ces débris subirent tant de translations pour des causes diverses, qu’en 1738 il fallut pour la seconde ou troisième fois les reconnaître exactement ; à la Révolution, ils furent dispersés. Réunis à nouveau, ils furent, en 1817, emportés par une inondation de la rivière qui envahit subitement l’église. Enfin, en 1845, on retrouva çà et là un morceau de crâne, un bout de fémur, et une dent montée sur un manche d’argent, que l’on faisait tremper dans un verre d’eau ; quand elle avait suffisamment infusé, les malades buvaient. Ce sont ces reliques, c’est le morceau de la vraie Croix, conservé comme elles, que l’on expose aujourd’hui à la vénération des fidèles dont il serait injuste de dire : « Hommes de peu de foi ! »

Le 3 mai et le 14 septembre, elles sont portées en grande procession, sous un dais, à travers le village, au milieu des chants et des cantiques ; devant la croix de la place le cortège s’arrête. Le prêtre jette de l’eau bénite vers les quatre parties du monde, puis il fait cette prière :

« De la tempête et de la foudre, délivre-nous, Seigneur ! »

Car l’on a une juste terreur de l’orage, en ce, pays où rien n’est modéré, ni le soleil, ni les déchaînements des éléments. En un quart d’heure, une rivière à sec devient un fleuve furieux : ce sol de pierre ne boit rien ; l’éclair luit, le tonnerre frappe, des rocs s’écroulent ; chacun se blottit épouvanté dans son abri, mal en sûreté dans les maisons mêmes, que l’eau peut inonder. Dix minutes après il n’y a plus un nuage dans le ciel, qui redevient bleu pour des mois entiers ; à ce qu’il a brisé l’on voit seulement que l’orage vient de passer. Voilà pourquoi cette prière ; de petits pains, pétris en forme de croix, sont également bénis et distribués aux assistants qui les conservent religieusement comme préservatifs de la foudre.

UNE FALAISE DANS LE CIRQUE DE SAINT-GUILHEM. — PHOTOGRAPHIE DE L’AUTEUR.

Les habitants ont conservé dans ces régions un grand amour pour les formes extérieures du culte. C’est ainsi que subsistent dans un grand nombre de villages, les anciennes confréries de Pénitents. Ce sont de simples laïcs qui, à l’occasion de certaines fêtes, revêtent une sorte de grande chemise blanche, et processionnent avec tout un attirail de bannières, de croix et de lanternes. Cette forme théâtrale d’une piété souvent très relative plaît beaucoup à leur tempérament méridional ; elle est d’ailleurs des plus pittores-