OUESSANT[1]
« Qui voit Belle-Île voit son île,
Qui voit Groix voit sa joie,
Qui voit Ouessant voit son sang. »
’est la dernière terre de France dans l’Océan. Il n’y a plus au delà que
l’éternel clapotement des flots, et que la mer sans limites où, loin, très
loin, se trouve l’Amérique. Lorsque vous êtes debout sur ses hautes falaises,
le vent qui vous fouette le visage, la vague écumante à vos pieds, qui vous
éclabousse, arrivent de là-bas ; rien encore sur l’immense étendue liquide n’a
brisé leur choc. Ici, pour le Romain, étonné de n’avoir plus rien à conquérir,
se terminait la terre, comme elle finissait pour les Grecs aux colonnes
d’Hercule.
Ouessant n’est pas comme sa voisine, l’île de Sein, un débris lamentable de continent, au ras de l’eau, par-dessus lequel passe la mer en ses grandes fureurs, et qu’elle semble toujours devoir engloutir ; c’est une forteresse naturelle, aux parois déchiquetées sans doute, mais puissante et dure, qui, de partout, domine les vagues. À peine l’homme lui-même y peut-il aborder en un golfe profond creusé par les flots du large, en deux ou trois criques étroites où l’on descend par des sentiers de chèvre.
Géographiquement, l’île d’Ouessant est située au tournant de l’Atlantique et de la Manche, en face de la pointe extrême du Finistère, un peu plus haut que le cap Saint-Mathieu, auquel la rattache un chapelet de récifs et d’îlots dont les deux principaux sont Béniguet et Molène. Une vingtaine de kilomètres la séparent du continent ; du Conquet, où l’on s’embarque ordinairement et par où viennent les lettres, on en
- ↑ Voyage exécuté en 1898. — Texte inédit. — Dessins d’après des photographies de l’auteur.