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LES PRINCIPES DU TOUCHER.

Le beau toucher est souvent un don naturel, mais il peut aussi s’acquérir 1o . par l’égalité des doigts ; 2o . par la souplesse des mouvements des doigts et des mains ; 3o . par la rapidité de rémission du son.

Avant de mettre les mains sur le clavier, chaque enfant devrait avoir l’intuition de ces vérités ; car aucune personne, ayant un sentiment musical profond, ne joue du piano comme les méthodes l’enseignent, et il n’y a pas lieu de s’en étonner : l’enseignement des principes élémentaires est resté stationnaire pendant le XIX.e siècle, tandis que le clavecin est devenu le piano moderne, c’est à dire un instrument ayant de bien autres ressources et de bien autres exigences.

L’étude du piano doit subir une transformation complète si l’on veut corriger dès le début l’inégalité des doigts, la raideur qui s’empare même des mains les plus souples au moment d’attaquer les touches, la lenteur du mouvement des doigts qui empèche l’émission rapide du son.

I

L’ÉGALITÉ DES DOIGTS[1].

Pour obtenir l’égalité des doigts il est indispensable de changer la pose des mains afin d’affermir immédiatement, chez les commençants, l’attaque des quatrièmes doigts.

Chacun pourra en faire l’essai et constater que si l’on pose la main sur une table en la penchant du côté du cinquième doigt, on sera presque dans l’impossibilité de soulever le quatrième doigt. Il en sera, à peu près de même si l’on tient la main en ligne horizontale du deuxième au cinquième doigt. Au contraire, dès qu’on incline la main du côté du deuxième doigt en la soulevant du côté du cinquième, une grande liberté d’attaque en résulte pour les quatrièmes et cinquièmes doigts. Les exercices qui vont suivre sont précisément combinés pour l’application exclusive de cette pose de main.

Cette pose établit, du reste, à la suite d’un travail spécial, une transmission de forces, des doigts forts aux doigts faibles, dont il est utile de connaître les rapports exacts.

LE RÔLE DU POUCE.

Le pouce est fort dans le vrai sens du mot ; non seulement il affirme librement son action, mais il est, au point de vue pianistique, le doigt générateur ; car c’est en le posant de façon à le faire servir de base aux mouvements des autres doigts, qu’on leur communiquera l’indépendance et la force.

  1. L’égalité des doigts est présentée ici comme une résultante de leur indépendance.