Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Et poussant bien fort de longs cris d’alarmes,
Ils t’ont refusé blessure et tourments,
Parce que ton sang, parce que tes larmes
Étaient des rubis et des diamants.

L’artiste grandit, la critique tombe.
Mais nous, tes fervents, ô maître vainqueur !
Nous voulons écrire aux murs de ta tombe.
Que ton clair génie eut aussi du cœur.

Nous savons le coin où se réfugie,
Sous les fleurs de pourpre et d’or enfoui,
Le parfum discret de ton élégie,
Bleu myosotis frais épanoui.

Oui, nous l’envions, ce spectre de rose
Sur un jeune sein morte un soir de bal ;
Et notre tristesse est souvent éclose
En nous rappelant l’air du carnaval.

Nous avons aussi perdu notre amante,
Nous l’avons poussé, ce soupir amer
Du pêcheur qui souffre et qui se lamente,
Seul et sans amour, d’aller sur la mer.

Celle que tout bas tu nommes petite,
Celle à qui tu dis : Le monde est méchant,
Nous a bien prouvé, l’enfant hypocrite.
Qu’elle avait un cœur, en nous trahissant.