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STANCES





Fils d’un siècle énervé qui de mélancolie
Pleurait, comme un automne où meurt le son du cor,
Il fit hardiment boire à la France pâlie
Un grand coup de vin pur dans une coupe d’or.

Il fut superbement triste, étant né poëte ;
Et dans le prosaïque exil des feuilletons,
Tel qu’Apollon paissant les troupeaux chez Admète,
Dieu des hauts firmantents, il parqua les moutons.

En lui s’enflait un hymne à la beauté du monde !
Des sentiments amers sa Muse, en triomphant,
Sortait, comme des flots salés la Vénus blonde.
Et l’Amour la suivait, comme un aveugle enfant.

Lumineux, chaud, fécond, plus que la clarté même,
Vainqueur des ouragans, de l’ombre et des hivers.
Intarissable éclat, sérénité suprême,
Il ensoleillait tout dans ce morne univers.