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Éblouissements d’âme, enchantements des yeux,
Sérénades, chansons, paysages, féeries.
Et tant de gaieté simple et tant de causeries !
En ce temps si lugubre et noir où nous vivons.
Ce temps sans idéal, sans brises, sans rayons.
Où l’œil humain hésite, où la raison se voile.
Où dans le ciel fermé ne luit pas une étoile.
C’est un deuil plus profond que tous ceux qu’on rêva
Qu’une âme de poète accablé qui s’en va !

Ô vous les doux et fiers, assembleurs de nuages.
Vous, habitants du rêve, ô vous les fous et sages,
Qui dans ce monde laid épris de l’oripeau
Contents de n’être rien restez prêtres du beau.
Et laissant s’agiter les passions nouvelles
Demeurez serviteurs des choses éternelles,
Ne rapportant jamais des marchés d’ici-bas
Que l’âpre amour de tout ce qu’on n’y trouve pas
La liberté, la paix, la dignité, l’étude,
Et ce gain sans pareil : l’or de la Solitude !
Ô désintéressés, incurables songeurs,
Ouvriers d’idéal, artistes, voyageurs,
À cette âme lassée et qui nous abandonne
Portez votre tendresse avec votre couronne !

Ô dernier soleil pâle, ô derniers chants des bois,
Faites-lui vos adieux pour la dernière fois !

A. M. BLANCHECOTTE.