Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



À THÉOPHILE GAUTIER



Exegi monumentum ære perennius.
Hor.






Quand après soixante ans de vaillance, d’efforts,
Et de combats, les vieux paladins étaient morts,
Leur grande armure vide adossée aux murailles,
Tenant en main l’estoc des anciennes batailles.
Restait debout ! — Et tous ces spectres décevants
Ressuscitaient les morts aux regards des vivants !

Puis, sous les noirs arceaux des hautes basiliques,
On couchait leurs corps froids dans les caveaux gothiques,
Et les sculpteurs, taillant le marbre ou le granit,
Dressaient ces chevaliers sur leur tombeau bénit,
Et, tandis que leurs os s’en allaient en poussière.
Ils revivaient encor dans ces héros de pierre.

Jusqu’aux siècles futurs, pour passer tout entier,
Toi, tu n’as pas besoin, ô poëte, ô Gautier,
Qu’une main, écartant les plis de ton suaire.
Découvre ton grand front ! ni que le statuaire
Pétrissant son argile et coulant son airain.
Élève sous nos yeux ton buste souverain.