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LE MAL DU POËTE





Je n’ai jamais cru, maître auguste,
À ta placidité sans fin :
Plus d’un gourmet souffre la faim
Devant le plat d’or qu’il déguste.

Ces délicats qu’on juge heureux
Au banquet de leur fantaisie.
Ont des fatigues d’ambroisie
Dans leurs appétits douloureux.

Tous ceux dont l’oreille est si tendre,
Tous ceux dont l’œil est si perçant,
Épris d’un idéal absent,
Voudraient mieux voir et mieux entendre.

L’artiste lutte obscurément
Au plus profond de sa cervelle :
Chaque beauté qu’il nous révèle
Garde le secret d’un tourment !