Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



À THÉOPHILE GAUTIER





Poëtes, vous chantez ! Votre plainte infinie
S’exhale dans les airs en un rhythme enchanté.
Votre douleur s’épanche en longs flots d’harmonie ,
Poëtes, vous chantez l’éternelle agonie,
          L’éternelle beauté !

Vos rêves cadencés en un savant murmure
S’envolent dispersés à tous les vents du ciel,
Et le cœur prisonnier, brisant la triple armure,
Laisse couler le sang de sa large blessure
          Comme un ruisseau de miel.

Ô poëtes ! Souffrez, pleurez, chantez encore !
Ainsi le vieil Homère, errant sur le chemin,
Récitait au passant le poëme sonore ;
L’œil plein d’ombre, évoquant les clartés de l’Aurore,
          Il étendait la main.