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LE 14 JUILLET

DESMOULINS, gaiement, prenant un pavé.

Je sais aussi travailler.

Du sommet de la barricade, où il monte, il peut toucher la fenêtre de la maison. À l’intérieur de la chambre, on voit passer une lumière. Desmoulins regarde.

Elle est là.

LE VIEUX BOURGEOIS.

Le prévôt Flesselles trahit. Il feint d’être avec nous. Il est en correspondance avec Versailles.

LE MAÇON.

C’est lui qui a inventé cette milice bourgeoise, qui, sous prétexte de nous détendre, cherche à nous lier les mains. Ce sont tous des Judas, là-dedans, vendus, et prêts à nous vendre.

LE MENUISIER.

Tout ceci nous apprend, mes amis, qu’il ne faut compter que sur soi. Il y a longtemps que je sais cela.

Pendant ce temps, Camille frappe doucement du doigt la vitre, en murmurant : « Lucile ». — La lumière s’éteint. La fenêtre s’ouvre. Le minois de Lucile paraît, avec ses dents qui sourient. — Ils mettent tous deux un doigt sur leur bouche, pour s’avertir de prendre garde. Ils se parlent par signes amoureux et amusés. Chaque fois que les travailleurs de la barricade relèvent la tête de leur côté, Lucile referme vite la fenêtre entr’ouverte. Deux ouvriers l’aperçoivent pourtant.
UN OUVRIER, montrant Desmoulins.

Eh bien, qu’est-ce qu’il fait donc ?

DEUXIÈME OUVRIER.

Le petit est amoureux. Bah ! ne les gênons pas !

PREMIER OUVRIER.

Il ne s’en battra que mieux. Le coq défend sa poule.

Ils continuent de travailler, tout en jetant de temps en temps un regard curieux et bon enfant au petit manège des deux amants, mais c’est avec précaution, pour ne pas les gêner.
LUCILE, à voix basse.

Que faites-vous là ?