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LE 14 JUILLET

tu faire ? Il le faudra marcher contre ce que tu aimes, ou te faire tuer avec lui.

HOCHE, sourit.

C’est bien.

HULIN.

Tu trouves cela bien ! Le tonnerre suspendu ; tout prêt à s’écrouler ?[1]

HOCHE.

Oui.

HULIN, le regarde.

Tu crois à ton étoile ?

HOCHE, secoue la tête en riant.

Mon étoile ? non, Hulin, je n’y crois pas. Les étoiles, cela est fait pour les fainéants, les aristocrates. Les pauvres garçons comme moi n’en ont pas. — Tu sais bien comment j’ai vécu jusqu’ici. J’ai eu la misère pour marraine. Orphelin en naissant, je n’ai jamais vu ma mère. Sans ma vieille tante, la marchande de légumes, j’eusse été élevé dans quelque hospice hypocrite, ou livré à mes mauvais instincts. Grâce à elle, j’ai connu la pauvreté laborieuse qui trempe l’âme. Grâce à elle, j’ai connu les vertus de ce peuple, que tu dédaignes, de la table d’un café. — Brave vieille, écrasée de fatigue, condamnée jusqu’au dernier jour à pousser, par tous les temps, sa petite voiture, avec ses doigts goutteux et le sifflement de sa poitrine asthmatique, qui l’obligeait à s’arrêter constamment pour souffler, — et sa bonne figure rouge et riante, — car avec tout cela, elle était gaie, Hulin ! Tu penses si j’ai eu hâte de trouver un emploi qui la déchargeât de moi ! J’ai commencé ma carrière comme palefrenier. Je deviendrais général, je n’aurais pas autant de joie que le jour où j’ai gagné mon pain pour la première fois. Bah ! Ce n’a pas été la plus mauvaise période de ma vie. Encore aujourd’hui, je ne

  1. Pour la représentation, passer à la fin du récit de Hoche, page 41 : « C’est au milieu des tempêtes, qu’éclate le feu du ciel. »