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LE 14 JUILLET

HULIN.

Si tu aimes à te duper, je n’ai rien à dire, garde tes illusions.

HOCHE.

Arrache-les sans crainte, ne me ménage pas. Je déteste le mensonge avec soi-même, l’idéalisme poltron, qui se met un bandeau sur les yeux pour ne pas voir le mal. Je le regarde, et il ne me trouble pas. Je connais aussi bien que toi cette pauvre foule si peu sûre, qui croit ce qu’on lui dit, qui est la proie de ses passions, qui s’épouvante d’une ombre, qui oublie sa propre cause, et trahit ses amis.

HULIN.

Eh bien ?

HOCHE.

La flamme aussi est capricieuse, et tremble ; un souffle la tord, la fumée l’enveloppe. Elle brûle cependant, et monte vers le ciel.

HULIN.

Comparaison n’est pas raison. Regarde-moi ce ramassis de désœuvrés, de bavards, ce petit avocat brouillon, cette grande fille qui n’aime que crier, ces vieux enfants fanfarons et peureux !… Croire au peuple ! la bonne duperie ! Ne compte pas sur les autres : voilà ma règle dans la vie. Rends-leur service toutes les fois que tu peux, mais n’attends rien d’eux… J’ai une bonne tête et de bons poings. Voilà en quoi je crois : en moi.

HOCHE.

Tu es un solide compagnon ; mais il y a plus de force, plus de bon sens, plus même de sens moral dans cette masse obscure que dans un d’entre nous. Nous ne sommes rien sans le peuple. D’où me vient ce besoin de justice, cette émotion qui m’étreignait, enfant, et que je ne comprenais pas, quand nous arrivaient les nouvelles de l’Amérique soulevée contre les despotes anglais, l’ivresse qui me montait à la tête, il y a quinze jours, lorsque nos députés