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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

à face avec Danton : de tels combats ennoblissent la République ; mais votre proposition la déshonore : je la repousse du pied.

BILLAUD.

Point de bienséances à respecter avec les ennemis du peuple !

VADIER.

En politique, la témérité inutile est une sottise, parfois une trahison.

SAINT-JUST.

Je ne veux point.

Il jette violemment son chapeau à terre.
BILLAUD, sévèrement.

Est-ce donc le combat pour la République que tu aimes, et non la République ?

SAINT-JUST.

De tels desseins ont besoin du danger pour être sanctifiés. Une Révolution est une entreprise héroïque, dont les auteurs marchent entre la roue et l’immortalité. Nous serions criminels, si nous n’étions prêts à immoler constamment notre vie, comme celle des autres.

VADIER.

Sois tranquille, tu risques encore assez. Danton prisonnier peut soulever le peuple ; et ne doute pas, s’il est vainqueur, qu’il ne t’envoie au vasistas.

SAINT-JUST.

Je méprise la poussière dont je suis formé. Mon cœur est le seul bien qui m’appartienne ; je passerai au travers du monde ensanglanté, sans souiller sa pureté.

BILLAUD, avec une sévérité dure et méprisante.

L’estime de soi est un égoïsme. Que le cœur de Saint-Just soit ou ne soit pas souillé, il ne nous importe pas : sauvons la République.