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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

SAINT-JUST.

L’esprit aussi est un crime, quand la France est en danger. Les malheurs de la patrie ont répandu sur tout l’État une teinte sombre et religieuse. Je me défie de ceux qui rient.

ROBESPIERRE.

J’aime Desmoulins.

SAINT-JUST.

Je t’aime. Si tu devenais criminel, toi-même je t’accuserais.

ROBESPIERRE, gêné, s’écarte. Puis revenant, après un court silence.

Merci. — Tu es heureux ; jamais tu ne balances. Rien ne fait contrepoids en toi à la haine du vice.

SAINT-JUST.

J’ai vu le vice de plus près que toi.

ROBESPIERRE.

Où donc ?

SAINT-JUST.

En moi.

ROBESPIERRE, étonné.

En toi, dont la vie tout entière est un modèle d’abnégation et d’austère sacrifice !

SAINT-JUST.

Tu ne sais point.

ROBESPIERRE, incrédule.

Quel péché de jeunesse ?

SAINT-JUST, sombre.

J’ai été au bord de l’abîme ; j’ai vu le crime au fond, prêt à me dévorer. Depuis, j’ai juré de le détruire dans le monde, comme en moi.

ROBESPIERRE.

Je suis las parfois de cette lutte. L’ennemi est trop vaste.