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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

WESTERMANN.

Je croyais que tu ne voulais pas me recevoir. Desmoulins m’avait dit qu’on m’empêcherait de passer. Et moi, j’avais juré que j’entrerais, quand je devrais enfoncer ta porte à coups de canon… Il rit. Tu excuses ma franchise martiale ? Robespierre continue de se taire. Westermann, de plus en plus gêné, tâche de prendre un air dégagé. Bougre ! Tu es bien gardé. Il y a une belle fille en faction devant ta porte ; elle ravaude des bas. Pas commode, la demoiselle ! Comme toi, incorruptible. Il aurait fallu lui passer sur le corps. En pays ennemi, ce n’eût pas été tant déplaisant… Il rit d’une façon forcée. Robespierre se tait, mais remue les mains avec impatience. Westermann s’assied, veut se mettre à l’aise. Robespierre reste debout. Westermann se relève. Des imbéciles prétendent que tu es mon ennemi. J’en hausse les épaules. La vertu, ennemie de la vertu ! Allons donc ! Aristide peut-il être l’ennemi de Léonidas ? Le bastion de la République et le rempart de la patrie ne sont-ils pas faits pour s’appuyer l’un l’autre ? Des bougres comme nous, qui mettent au-dessus de tout la gloire de la nation, s’entendront toujours, n’est-il pas vrai ?… Il lui tend la main. Robespierre ne bouge ni ne répond. Ne veux-tu pas me donner la main ?… Tonnerre ! c’est donc vrai ? tu es mon ennemi ? tu conspires ma perte ? Mille cochons ! si je le savais !… Suis-je un jean-foutre, que tu me laisses deux heures me morfondre dans ta cour, et lorsque je suis chez toi, que tu ne m’offres même pas un siège pour m’asseoir, que tu me laisses là, debout, à parler, sans répondre ? Nom de Dieu !

Il frappe du pied le plancher.
ROBESPIERRE, glacial.

Général, vous faites fausse route. Il y a loin de Léonidas au père Duchesne. Vous cherchez vos modèles en une place dangereuse.

WESTERMANN, interloqué.

Quelle place ?

ROBESPIERRE.

La place de la Révolution.