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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

non par vertu (je ne sais ce que c’est), mais par tempérament.

CAMILLE.

N’es-tu pas inquiet de laisser le champ libre à ton ennemi ?

DANTON.

Peuh ! j’ai sondé ses reins : il pourrait bien conduire la pièce jusqu’au quatrième acte ; mais il raterait infailliblement son dénouement.

CAMILLE.

En attendant, que de mal il peut faire ! Ta force est le seul contrepoids au régime de violence et de terreur fanatique. Et que fais-tu de tes amis ? Les abandonnes-tu au sort qui les menace ?

DANTON.

Je les sers davantage, en déposant quelque temps ma puissance. Ils portent à présent la peine de la crainte que j’inspire. Robespierre m’écoutera, quand sa jalousie lui permettra de respirer. Et moi, j’aurai les mains plus libres pour agir, quand je ne serai plus le représentant d’un parti, mais de l’humanité. Il faut traiter les hommes comme des enfants, et savoir leur céder les jouets que leur avidité réclame, pour empêcher qu’ils s’obstinent stupidement à se perdre avec vous.

CAMILLE.

Tu es trop généreux. Un renoncement comme le tien ne sera compris de personne. Robespierre ne peut croire à la sincérité de ta retraite ; son esprit soupçonneux y cherchera, y trouvera des ruses machiavéliques. Crains que tes ennemis ne profitent de ton abdication pour te frapper.

DANTON.

Danton n’abdique point : il s’éloigne momentanément du combat ; mais il reste toujours prêt à y rentrer. Sois tranquille : à moi seul, je suis plus fort qu’eux tous, et des hommes de ma sorte ne craignent point l’oubli ; il leur suf-