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aient pu donner si longtems dans ces fausses vuës, et qu’à présent, qu’ils sont convaincus, par une expérience à laquelle il n’y a point de réplique, que les prospérités au dehors ne tournent qu’à leur opression, ils ne tachent de se mettre au large à la faveur de cette guerre. Car outre que la différence de leur condition à celle de leurs voisins les y devoit inviter, il est certain que, s’ils pouvoient recouvrer leur ancienne liberté, ils vivroient plus heureusement chez-eux et seroient plus considérés à la cour. À quoi l’on peut ajouter que le Ministère, étant moins autorisé, il se commettroit beaucoup moins d’injustice et de violence en matière d’État et de Religion ; mais c’est prêcher à des sourds, ils sont formés à l’esclavage de longue main, le bon plaisir du Roi leur est une loi souveraine, et se seroit une espèce de sacrilège, dans leur sens, que de n’y pas sacrifier biens, vie, honneur et conscience : de sorte que s’il est vrai, selon Tite-Live, que c’est le propre des Barbares de n’avoir pour loi que les commandemens de leurs maîtres, on peut dire aujourd’hui, qu’il n’y a point de nation plus barbare que la Françoise. Ainsi, que la France gémisse sous le faix qui l’accable, et qu’elle périsse même, s’il le faut, ce n’est pas ce dont le Ministère s’embarasse, il est de la gloire du Roi de conquérir tous les États de l’Europe, et c’est à ses sujets de seconder son ambition, sans consulter si les Guerres, qu’il entreprend dans cette vûë, sont justes ou injustes. En effêt on y vole, on s’y ruine, on s’y sacrifie, il n’y a rien dont les François ne soient capables, pour s’y signaler, contens d’être malheureux, pourvû qu’ils puissent