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se regardent comme étant d’une autre nature que le reste des hommes ; les autres ne leur semblent avoir été mis sur la terre par les Dieux que pour leur plaire, les servir et prévenir leurs désirs et aporter tout à eux comme à des Divinités. Le bonheur de les servir est, selon eux, une assez haute récompense pour ceux qui les servent. Il ne faut jamais rien trouver d’impossible, quand il s’agit de les contenter, les moindres retardemens irritent leur naturel ardent et violent ; ils sont incapables d’aimer aucune chose qu’eux-mêmes. Ils ne sont sensibles qu’à leur propre gloire et à leurs plaisirs, il n’y a, dit le même auteur, que les malheurs de la vie, qui rendent ordinairement les Princes et les Grands plus modérés et plus sensibles aux misères des autres ; quand ils n’ont jamais gouté que le doux poison des prospérités, ils se croïent presque des Dieux sur la terre, ils veulent que les montagnes s’aplanissent pour les contenter, ils comptent pour rien les hommes, ils veulent se jouer de la nature. Quand ils entendent parler des souffrances, ils ne savent ce que c’est, c’est un songe pour eux, ils n’ont jamais vu la distance du bien et du mal, l’infortune seule peut leur donner de l’humanité et changer leur coeur de roche en un coeur humain ; alors ils sentent qu’ils sont hommes, et qu’il faut ménager les autres hommes qui leur ressemblent.

Tous lesquels inconvéniens font assez manifestement voir l’abus, qu’il y a dans ces vaines et odieuses distinctions de famille, que les hommes font mal à propos entr’eux.