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qui lui tourneroit le dos. J’aurois volontiers fait comme faisoit le bon Job[1] dans le tems de sa prospérité, j’étois, disoit-il, le père des pauvres, j’étois l’œil de l’aveugle, le pié du boiteux ; oculus fui cœco et pes claudo, pater eram pauperum… J’aurois volontiers ravi aussi bien que lui, la proïe des mains des méchans, et je leur aurois, aussi volontiers que lui, cassé les dents et les machoires conterebam malas iniqui, et de dentibus illius auferebam prœdam[2]. Il n’y a que les grands cœurs, disoit le sage Mentor à Telemaque[3], qui cherchent combien il y a de gloire à être bon. Et à l’égard des faux et fabuleux mistères de votre religion, et de tous ces autres pieux, mais vains et superstitieux devoirs et exercises que votre religion vous impose, vous savez bien aussi, ou du moins vous aurez pû assez facilement remarquer, que je ne m’attachois guères à la bigoterie, et que je ne faisois guères d’état de vous en recommander la pratique. J’étois néanmoins obligé de vous instruire de votre religion et de vous en parler au moins quelque fois, pour m’acquiter comme de ce faux devoir auquel je m’étois engagé en qualité de curé de votre paroisse, et pour lors j’avois le déplaisir de me voir dans cette facheuse nécessité d’agir et de parler entièrement contre mes propres sentimens, d’avoir le déplaisir de vous entretenir moi-même dans de sotes erreurs et dans de vaines superstitions, que je haïssois, que je condamnois et que je détestois dans le cœur : mais je vous proteste que ce

  1. Job. XXIX : 15, 16.
  2. Ibidem, ibid. 17.
  3. Telem. Tome : 2, pag. 84.