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font plusieurs, le nombre des erreurs et des superstitions, et qu’ils ne se moquent point de la simplicité de ceux, qui, par un si bon motif de piété leur font tant de bien, et qui s’épuisent pour eux. Car c’est une ingratitude énorme et une perfidie détestable que d’en user ainsi envers des bienfaiteurs, comme sont les peuples envers les ministres de la religion, puisque ce n’est que de leurs travaux et de la sueur de leur corps, qu’ils tirent toute leur subsistance et toute leur abondance.

Je ne crois pas, mes chers amis, vous avoir jamais donné sujet de penser que je fusse dans ces sentimens-là, que je blâme ici ; vous auriez pû au contraire avoir remarqué plusieurs fois, que j’étois dans des sentimens fort contraires et que j’étois fort sensible à vos peines. Vous auriez pû remarquer aussi que je n’étois pas des plus attaché à ce pieux lucre des fonctions de mon ministère, les aïant assez souvent faites sans en rechercher les rétributions, comme j’aurois pû faire, et n’aïant jamais été un couveur de gros bénéfices, ni un chercheur de messes et d’offrandes. J’aurois toujours pris beaucoup plus de plaisir à donner qu’à recevoir, si j’eusse eu le moïen de suivre en cela mon inclination ; et en donnant j’aurois toujours eu volontiers plus d’égards pour les pauvres que pour les riches, suivant cette maxime du Christ, qui disoit, qu’il vaut mieux donner que recevoir, beatius est magis dare quam accipere[1], et suivant cet autre du Sr. de Montagne[2], qui recommandoit à son fils de regarder toujours plutôt vers celui, qui lui tendroit le bras, que vers celui

  1. Acte XX : 35.
  2. Essai de Montagne, Livr. III, Ch. 13.