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chanceté des hommes ; plus j’ai reconnu la vanité de leurs superstitions, et l’injustice de leur gouvernement. De sorte que, sans avoir jamais eu beaucoup de commerce avec le monde, je pouvois dire après le sage Salomon, que j’ai vu, et que j’ai vu même avec étonnement et avec indignation, l’impiété régner par toute la terre, et une si grande corruption dans la justice, que ceux-là mêmes, qui étoient établis pour la rendre aux autres, étoient devenus les plus criminels, et avoient mis en sa place l’iniquité[1]. J’ai connu tant de méchancetés dans le monde, que la vertu même la plus parfaite, et l’innocence la plus pure n’étoient pas exemtes de la malice des calomniateurs. J’ai vu et on voit encore tous les jours une infinité d’innocens malheureux persécutés sans raison, et oprimés avec injustice, sans que personne fut touchée de leur infortune, et sans qu’ils trouvassent aucun protecteur charitable pour les secourir. Les larmes des justes affligés, et les misères de tant de peuples tiranniquement oprimés par les riches et par les grands de la terre, m’ont donné aussi bien qu’à Salomon, tant de dégoût et tant de mépris pour la vie, que j’estimai comme lui, la condition des morts beaucoup plus heureuse, que celle des vivans ; et ceux, qui n’ont jamais été, plus heureux millefois, que ceux qui sont et qui gémissent encore dans tant de si grandes misères[2].

Et ce qui me surprenoit encore plus particulière-

  1. Vidi sub sole in loco judicii impietatem et in loco justitiæ iniquitatem. Eccl. III. 16.
  2. Laudavi magis mortuos quam viventes : et feliciorem utroque judicavi, qui nec dum natus est, nec vidit mala quæ sub sole fiunt. Eccl. IV, 2.