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lente et son mouvement vivace. L’homme anglais se peint ici au vif ; mais non pas en entier non plus, et seulement dans ses qualités les plus matérielles. C’est la revanche de son être physique sur la discipline morale du puritanisme. S’il survient quelque jour en Angleterre une renaissance musicale, c’est peut-être par l’opérette qu’elle se fera, comme la renaissance musicale de l’Italie au dix-huitième siècle s’est faite par l’opéra bouffe.

En attendant que ces choses adviennent, si elles doivent advenir jamais, quelques-uns, parmi les jeunes compositeurs de l’Angleterre ont cherché d’autres moyens d’accomplir dans leur pays une rénovation musicale. Voulant délivrer la musique anglaise de l’imitation mendelssohnienne et produire des œuvres qui soient enfin autre chose que de pâles copies d’Eloi, de Paulus ou de la Réformation-Symphonie, mais encore incertains de leurs propres ressources, ils sont allés chercher hors de chez eux le secours et la force nécessaire pour les aider à reprendre leur indépendance. Quelques-uns se sont tournés vers Brahms ; c’est une évolution naturelle, et presque nécessaire ; on l’a vue dans la plupart des musiques d’Europe, soumises comme l’anglaise à la discipline de Leipzig : à peine commence-t-on à expulser Mendelssohn que Brahms survient. L’un et l’autre sont en somme de la même race d’esprits, et représentant la même sorte de culture, quelque supériorité d’art et de style que le premier ait d’ailleurs sur le second. Mais par bonheur pour les nouveaux compositeurs britanniques, un fort petit nombre d’entre eux ont subi la fâcheuse action de Brahms, qui ne pourrait servir, si elle était plus générale, qu’à confirmer la musique anglaise dans ses défauts et ses erreurs. La plupart d’entre eux se sont inspirés de l’art français ; et ceux de nos musiciens qui paraissent avoir exercé sur eux le plus vif attrait sont M. Gabriel Fauré, depuis longtemps aussi goûté en Angleterre qu’il l’est chez nous, et M. Claude Debussy, dont l’influence récente s’est promptement étendue et établie. On pouvait choisir de plus mauvais modèles ; il faut pourtant convenir que jusqu’ici les jeunes compositeurs anglais n’ont produit que peu d’œuvres où l’on discerne l’expression d’un sentiment original. Ni dans celles que vient de nous faire connaître le concert or-