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et vraies qu’elle reproduit incessamment. Je ne sais ; toujours est-il que votre Marie et la mienne se ressemblent beaucoup, et que, si vous avez eu l’honneur de la créer en vivifiant des souvenirs, j’ai eu, moi, le plaisir de la voir.

Elle habitait et habite encore sans doute un village auprès de Paris. Elle n’avait ni père ni mère ; et, si sa grand’maman n’eût dit l’avoir vue toute petite et dormeuse en un berceau, on aurait pu s’imaginer qu’elle était une de ces poésies vivantes qui aiment, souffrent, consolent et passent sur cette terre pour nous l’embellir. S’ils ne nous apparaissaient pas, ces êtres angéliques, ces femmes qui semblent à peine participer de notre misérable vie ; s’ils ne venaient pas vers nous comme de charmans fantômes, comme ces fées, ces Titanias, sorties de l’imagination de Shakspeare, il faudrait prendre en dédain ce monde fangeux, et n’avoir d’amour que pour ce qui n’est pas. Mais ces jeunes filles, ces femmes, idéalités palpables, rapprochent notre réel de notre espérance, et la terre du ciel où elles sont placées comme des intermédiaires.

Ma jeune orpheline vivait du travail de ses aiguilles et du lait de deux vaches, seul revenu de cette pauvre famille ; elle cousait et faisait les robes des filles du village. On l’appelait même au château de la comtesse de C*** pour réparer le linge : son adresse y était vantée. La comtesse désirait vivement la prendre à son ser-