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À LUCRETIA DAVIDSON


Dis ! ne souris-tu pas quand ta rêveuse étoile,
Le soir dans ses rayons humides et flottans,
Glisse un chaste baiser sous la pudique toile
Où le ciel qui t’aimait plongea tes beaux printemps ?

Non ! tu ne voudrais plus cueillir ces fleurs avares
Dont les acres parfums tourmentaient ta raison ;
De nos rangs consternés, libre, tu te sépares,
Et tu ne bois plus l’air où roule le poison.
Le monde t’a fait peur ! à ses cris alarmée,
Tu te penchas soumise et vierge sous la mort,
Et tu t’envolas, fleur fermée,
T’épanouir aux feux qui n’ont pas de remord !
Et tu laissas tomber tes larmes poétiques,
Comme un cygne qui meurt ses sons mélodieux ;
Prestige ! ils font vibrer les feuilles prophétiques
Où s’épanchaient tout bas tes précoces adieux.

Tu ne vins pas, d’un jour prolongeant ton voyage.
Tenter de nos climats l’air tiède et transparent ;
Sous le voile d’encens où brûle leur bel âge
Regarder tes sœurs en mourant :
Delphine ! dont le vol annonça ta naissance,
(Car vos ames peut-être ont eu la même fleur),
Sur son front couronné de gloire et d’innocence,
Tu n’as pu, doux martyr ! appuyer ta douleur !