Page:Le Tac - Histoire chronologique de la Nouvelle France, ou Canada, 1888.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
de la Nouvelle France ou Canada.

que en donnant quelques denrées à ces barbares, ils amaſſent quantité de Caſtor. Ils font aiſement ce petit trafiq veu qu’ils ſont ſeuls parmy eux & qu’ils permettent rarement & difficilement que les Francois les aillent trouver, à moins qu’ils n’y ayent leur part[1]. L’authorité qu’ils ſe ſont donnée dansEntre les mains de qui eſt l’authorité. le pays fait que les puiſſances qui ſont leur creatures & qui partagent avec eux le butin, ſuivent volontiers leur volontés. Il n’y a ny officiers de guerre & de juſtice ny gentilſhommes qui oſe raiſonner ſur ce qu’ils font ſ’il ne veut perdre ſon office & ſe voir reduit à la mendicité luy & ſa famille. Auſſy eſt-ce la politique du Canada de les tenir tous miſerables afin de les rendre ſujets & ſoumis ; ils ne ſont avancés qu’autant que les PP. Jeſuittes les avancent, & l’on peut dire ſans bleſſer la verité qu’ils tiennent tout le païs en ſervitude & en eſclavage. Une ſi grande ſujettion fait que tout

  1. Le tableau n’est pas flatteur pour les jésuites ; mais, malgré l’aigreur qu’on sent entre les lignes de notre historien, on ne saurait le révoquer en doute après tant de témoignages concordants de tous les chroniqueurs du temps. Voir Benj. Sulte, t. VII de son Histoire, ch. V. Il n’y a que La Hontan qui feigne d’en douter dans ce passage : « Plusieurs personnes m’ont assuré que les jésuites faisoient un grand commerce de marchandises d’Europe et des pelleteries du Canada ; mais j’ai de la peine à le croire, ou si cela est, il faut qu’ils aient des correspondants, des commis et des facteurs aussi secrets et aussi fins qu’eux-mêmes, ce qui ne sauroit être. » Mais on sent l’intention ironique de ces lignes.