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Hiſtoire Chronologique

amaſſer, ils ont de la peine à ſe vetir & à fournir aux autres petites neceſſités de leur famille, parce qu’ils n’en amaſſent pas ordinairement plus qu’il leur en faut ; leur nourriture eſt aſſés ſimple : ils vivent pendant l’hyver de lard & pendant l’eſté de laict & de quelques œufs. La chaſſe eſt rare. Il n’y a pas d’autres fruits que des fraiſes & framboiſes & prunes ſauvages. Il y auroit des pommiers en aſſés bon nombre ſi on ſe donnoit la peine de les eſlever & de les conſerver.

Quels ſont les heureux et les malheureux.Les ouvriers qui ne ſont pas débauchés vivent aiſement & peuvent amaſſer du bien. Les marchands ſ’enrichiſſent en peu de temps. Le profit qu’il y a à faire ſur les marchandiſes fait que les Communautés rentées en font venir de France & ont chacune leur magazin. Les Seminariſtes & les PP. Jeſuittes ſont les heureux & les plus riches. Ils partagent enſemble le profit qui ſe peut faire tant parmy les François que parmy les Sauvages. Les premiers, outre la penſion que le Roy fait au Seminaire, ſont encore pour la pluſpart chanoines & curés dans les meilleures paroiſſes du pays, deſquelles ils ne laiſſent pas de recevoir un ſuppleement de trois cents francs que la Cour donne ; ainſy un preſtre qui eſt ſeminariſte, chanoine, curé, reçoit trois revenus tout à coup & fait un grand profit pour le Seminaire. Les PP. Jesuittes qui abandonnent le soing des paroiſſes aux eccleſiaſtiques ſe reſervent celuy des Sauvages qui leur apporte un plus grand profit temporel veu