Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

22 LE SYLPHE doute leur faire expier dès ce monde toutes leurs fautes, réclamait d'eux un sacrifice complet, et, les traitant en héros, selon le dire de la bien-aimée, leur imposait de briser eux-mêmes une chaîne coupable, de la briser irrevocablement ici-bas, afin de pouvoir la renouer un jour dans le monde des éternelles et saintes tendresses. Le divin Inspirateur guida si bien ma pensée et ma parole, ou plutôt agit et parla si bien lui-même au fond de l'âme du mou rant, que ce jeune homme, criminel par amour, devint héroïque par devoir. Ce martyr de la passion se résigna et me tendant les lettres, en fermant les yeux comme n'osant plus les voir : — Vous les brûlerez, puisqu'il le faut! » Il fut héroïque, en effet, dis-je au narrateur. Je trouve même que ce jour-là le prêtre chez vous parla plus haut que l'homme. Vous avez été, non trop inhumain, mais trop surhumain. — C'est peut-être vrai, me répondit-il ; car enfin, ce n'était pas pour lui qu'il me suppliait, c'était pour elle. Il souffrait, non de s'immoler une dernière fois lui-même, mais de ne pou voir en mourant laisser une consolation à celle qu'il avait jetée dans l'inquiétude. Il acceptait pour lui ce suprême renoncement; mais il aurait voulu écarter d'elle ce calice d'amertume. Sa prière avait été dictée, non plus par les sens, non plus même par la passion, mais par l'âme, par la pitié. Je réfléchissais à tout cela, tandis que sa plainte de blessé, cette plainte tragique et profonde qui déjà se changeait en râle, m'annonçait que sa fin était prochaine. La surexcitation de tout à l'heure l'avait un moment soutenu, mais il était retombé, épuisé par ses propres paroles, et vaincu surtout par son atroce blessure. Je voyais sa vie s'en aller par ce trou beant qu'il avait au côté, et je comprenais bien qu'il touchait au dernier moment. (A suivre). BIBLIOGRAPHIE Gouttes d'eau du Permesse, poésies par Jean Sarrazin. (Lyon, imp. Pitrat aîné, 1887). C'est la dernière œuvre de notre compatriote, appelé à tort le poète lyonnais. Jean Sarrazin est des Hautes-Alpes, et certai nement Il parcourut ton beau vallon Prapic, et cueillit à Charnière Des fleurs à calice, à bouton, Au jour de sa saison première. C'est donc, avant tout, un vrai et bon Dauphinois.