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rées, alors qu’il remonte sur l’eau, aspire avidement les fraîches et agréables brises et retourne à la vie. Il advint aussitôt qu’en moi-même se prirent à brûler des flammes plus amoureuses encore, et il me sembla que, dans de plus douces tortures, des qualités nouvelles d’amour me transmuèrent. Par ce fait, je me pris à connaître avec évidence, à pressentir effectivement ce que sont les grâces de Vénus, leur efficacité pour les habitants de la terre, quel prix emportent, à leur plus grande joie, ceux qui livrent intrépidement le combat pour obtenir le délicieux royaume et y parvenir au travers des luttes opiniâtres. Enfin, après le pieux, le saint repas fait des fruits fatidiques, la divine végétation s’évanouit devant nos yeux, sans qu’on fît rien pour cela.

Ayant accompli la libation, la prêtresse sortit du saint sanctuaire avec Polia, moi et toutes les vierges. Après que les mystérieux sacrifices, les offrandes, les immolations et le culte divin eurent été conduits dans l’ordre susdit et terminés, la prêtresse ainsi que Polia dépouillèrent leurs vêtements consacrés et les déposèrent on ne peut plus pieusement, avec une déférence particulière et religieuse, dans le sanctuaire. Là, pleine de mesure et d’une extrême majesté, la grande prêtresse nous parla familièrement ainsi : « À présent, mes enfants, que vous voilà par moi purifiés et bénis, reprenez votre amoureuse entreprise et poursuivez votre voyage. Je prie encore la divine Mère de se montrer pour vous bienveillante et affable. Qu’elle vous soit miséricordieuse, favorable et propice, quels que soient vos projets, quelles que soient vos intentions et les occurrences en lesquelles vous vous trouviez. Mettez désormais un terme à vos profonds, à vos fréquents soupirs ; laissez, abandonnez vos lamentations, car, sur mon instance, l’heure présente vous