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Diane. Le fils de l’ardent Phœbus fut, présomptueux, foudroyé du haut de l’Olympe et relégué éternellement dans les eaux du Styx pour avoir brûlé les herbes glucysidées[1]. Si donc je me laissais aller a quelque mouvement impertinent devant cette nymphe divine, ne pourrait-il pas m’en advenir facilement autant et pire ? » C’est en débattant ainsi, en moi-même, que j’échappai au trouble excessif de mon âme.

Je me calmai donc, je me consolai en me tenant pour satisfait du grand plaisir de regarder l’élégante parure et la belle forme de cette noble et illustre nymphe qui possédait en abondance tout ce qui fait chérir amoureusement, tout ce qui fait aimer tendrement. Elle versait, de ses yeux caressants, un tel flot de douceur, que je rejetai de mon esprit les troublantes et irréfrénables pensées et que je parvins à le modérer un peu. Refoulant mes soupirs retentissants, rempli d’une flatteuse espérance — ô nourriture amoureuse des amants trop souvent mélangée à un breuvage de larmes ! — je fis, à l’aide d’un frein rigoureux, converger mes pensées surexcitées vers ce noble examen, plaisir factice, admirant, avec une jouissance extrême, ce corps charmant et voluptueux, et ces joues rosées, et ces polis et brillants. Me fortifiant par la contemplation de ces choses rares, je mitigeai doucement mes frémissants désirs, la trop grande ardeur de mes emportements enragés qui ne laissaient de s’allumer au foyer amoureux dont j’étais si proche.

  1. De γλυκύς doux et σίδη grenade, c’est la pivoine ou herbe Pæonia. Homère veut Pæon, son inventeur en ait guéri Pluton blessé par Hercule (Odyssée, V, 401). Ce mot est pris là dans l’acception de récolte.