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suprême, je me sentais renaître de la tête aux pieds, je sentais mon cœur combattu s’en aller tout entier à elle, et mon visage, ainsi que mes soupirs étouffés trahissaient chez moi ce véhément effet. Elle, intelligente, s’apercevant de ce nouvel incident, brisa court avec calme et se prit à me dire d’un ton caressant : « Oh combien en est-il qui volontiers se contenteraient d’entrevoir ce que tu perçois clairement ! C’est pourquoi hausse ton esprit et admire avec empressement, ô Poliphile, ces quatre autres nymphes illustres et nobles qui, pleines de respect et généreuses, partagent équitablement leur sort avec les adolescents qu’elles aiment. Infatigables ils se vont ensemble, joignant attentivement leurs éloges aux doux sons des notes et des vers mesurés, tout en célébrant les triomphes suprêmes, au milieu d’un air empli du très-gracieux gazouillement des divers petits oiseaux. »

En tête du premier chœur chantant, louant le premier char et lui faisant ovation, dansaient les très saintes Muses précédées de leur divin joueur de lyre[1]. Ce triomphe céleste était suivi par une élégante demoiselle Parthénopéenne du nom de Leira[2], au front couronné de l’éternel laurier. Elle faisait compagnie à une très-belle enfant appelée Mélanthia[3], emplie de beautés magnifiques, se tenant embrassée avec son

  1. Apollon Musagète.
  2. De λείrιον, lys, fleur de lys. Il s’agit de la poésie de Virgile enseveli à Parthénope (Naples) :

    Mantua me genuit : Calabri rapuere ; tenet nunc
    __Parthenope : cecini pascua, rura, duces.

    (Épitaphe apocryphe de Virg.).
  3. Nom formé sans doute de μέλος, mélodie, fleur, chant lyrique, et de ἄνθοσ, fleur.