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d’où s’échappe l’eau d’une fontaine. Ne l’as-tu pas aperçue ? » Je leur répondis révérencieusement : – « Nymphes très-belles, je disposerais de mille langages tous différents que je ne saurais vous remercier pour tant de faveurs imméritées, ni vous rendre grâces convenablement pour une si particulière bienveillance. Car vous m’avez fort à propos rappelé à la vie. Donc, ne point accepter une aussi charmante invitation de jeunes filles telles que vous se devrait considérer comme une rusticité vilaine. Or, je m’estimerais bien plus heureux d’être esclave chez vous que maître souverain ailleurs. C’est que je vous tiens pour le réceptacle de tout bien. Sachez-le, j’ai vu cette merveilleuse fontaine, et je dois confesser, après l’avoir examinée avec une attention soutenue, qu’œuvre plus admirable ne frappa jamais mes regards. J’y donnai complètement mon esprit séduit, je la contemplai de toutes parts, j’y bus avec une telle ardeur, j’y étanchai avec une telle avidité la soif brûlante qui m’avait tourmenté pendant le jour entier, que je n’allai pas au delà chercher le repos. »

Une d’entre elles, fort gentille, me répondit avec douceur, disant : — « Donne-moi la main. À présent, te voici sain et sauf, te voici le bienvenu. Nous sommes, comme tu vois, cinq compagnes unies, et je me nomme Aphéa[1] ; celle qui porte les boîtes, ainsi que les linges blancs, s’appelle Osphrasia[2] ; cette autre, qui porte le resplendissant miroir – nos délices — c’est Orasia[3] ; celle qui tient la lyre sonore est dite Achoé[4] ; la dernière, enfin, celle qui est chargée de ce vase empli d’une très-précieuse

  1. (1) De άφή, le toucher.
  2. (2) De ὄσφρασία ou ὄσφρανσις, l’odorat.
  3. (3) De ὅρασις, la vue.
  4. (4) De άκοή, l’ouïe.