Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 1.pdf/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore le politrique et le troène verdoyant qui se plaisent aux ruines. Telles étaient les plantes vertes qui, entre autres, envahissaient et recouvraient de nombreux travaux dignes d’admiration.

On voyait là un écroulement de colonnes coniques incroyable et qui ressemblait plutôt à un amas de bois brisés gisant confusément à terre. Il y avait également, parmi ces ruines, de superbes statues dénotant des actions diverses. Beaucoup étaient nues ; quelques-unes étaient drapées d’étoffes comme ridées ou formant de gros plis qui adhéraient à la forme et se pliaient aux membres. Il y en avait qui portaient sur le pied gauche, d’autres sur le droit, la tête au-dessus de la perpendiculaire tombant au milieu du talon, le second pied libre et ne soutenant rien. Le pied de ces statues était la sixième partie de la hauteur totale, qui équivalait à quatre coudées. Les unes, encore entières, se maintenaient debout sur leur base, les autres, avec une contenance rassise, siégeaient sur des trônes. Je vis encore d’innombrables trophées, des dépouilles opimes, des ornements infinis, des têtes de bœufs et de chevaux placés avec l’écartement voulu, des cornes, des restes de feuillages avec des fruits sur des tiges, coquilles et festons que chevauchaient des enfants joyeux. Tout cela permettait d’apprécier directement la portée d’esprit de l’architecte qui avait dû joindre tant de recherches diverses à tant de soin, d’étude et d’industrie ; cela permettait d’estimer la grande vigilance que manifestait son intellect fécond, la volupté avec laquelle il avait mis en évidence le but qu’il s’était proposé. Cela démontrait l’eurythmie qui régnait dans le travail de la pierre, et l’habileté de cet art statuaire qui semblait laisser croire, vu l’aisance de son exécution, que la matière qui s’y prêtait ne fût que craie friable et molle argile : sans parler de la précision avec laquelle les blocs étaient