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Dans le contour de la couronne, j’admirai une chèvre velue et mère qui allaitait, assis sous elle, un petit enfant tenant une jambe étendue et l’autre repliée. Les bras levés, il se cramponnait aux poils pendants et rudes ; son visage témoignait d’une grande attention à sucer les mamelles gonflées. Entre plusieurs nymphes, on en voyait une qui se penchait d’un air caressant et, de la main gauche, tenait soulevé un pied de la chèvre, tandis que, de la droite, elle dirigeait les larges mamelles pleines sur la bouche de l’enfant. Au-dessous était écrit : AMALTHEA. Une seconde nymphe, placée devant la bête, lui entourait fort à propos le col avec un bras, tandis que, de la main restée libre, elle la contenait gracieusement par les cornes.

Au milieu, une troisième portait un rameau d’une main et de l’autre une coupe très-antique ornée de petites anses exquises. À ses pieds était écrit : MELISSA[1]. Entre ces trois-là, deux autres dansaient, agiles, avec des instruments de corybantes. Leurs vêtements de nymphes laissaient voir absolument sur chacune d’elles les formes de leurs membres en mouvement. Cette sculpture, sans défauts, ni Polyclète le tailleur de pierre, ni Phidias, ni Lysippe ne l’eussent faite, et Scopas, Bryaxis, Timothée, Léocharès[2] et Théon[3] n’eussent pu s’employer à un travail relevé en bosse aussi admirable pour la pieuse Artémise, reine de Carie. En effet, cette œuvre, au-dessus du

  1. Nymphe qui passait pour avoir découvert l’usage du miel.
  2. Sculpteurs du tombeau de Mausole. Scopas sculpta la partie du levant, Bryaxis celle du nord, Timothée celle du midi, et Léocharès celle du couchant. (V. Pline, liv. XXXVI, ch. v ; Pausanias, in Attic., liv. I, in Corinth., liv. II, in Eliac., pr. liv. V; Vitruve, préf., liv. VII.)
  3. Ce Théon serait-il le cinquième sculpteur cité par Tatien : Contra Græcos ?