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L’ouvrier avait rapporté tout ce sujet, avec soin, sur un fond en marbre de couleur de corail, qu’il avait inséré dans les moulures du dé sus-mentionné. Ce ton du fond se réfléchissait sur les contours de l’alabastrite transparent et communiquait aux corps et aux membres une coloration d’incarnat.

L’ensemble de ce dessous de colonnes se répétait exactement de l’autre côté, sauf que le sujet différait. On voyait également, dans le stylobate de gauche, un homme nu sculpté. Il était d’âge viril, d’un air gracieux, et témoignait d’une extrême vélocité. Comme l’autre, assis, mais sur un siège carré, couvert d’une gravure d’ancien style, il était chaussé de cothurnes fendus de la cheville au mollet. À ses pieds étaient des talonnières ailées. La même matrone que celle de l’autre côté était là représentée toute nue. Sur sa poitrine pointaient de petits tetons rondelets que leur dureté rendait immobiles. Elle était figurée avec de larges flancs et, en tout, tellement semblable à la première, que l’une et l’autre faites dans un même moule n’eussent point été plus pareilles. Elle présentait ce même enfant, son fils, à l’homme, pour que celui-ci l’éducât. Ce dernier montrait, avec bonhomie, trois flèches à l’enfant qui se penchait vers lui soulevé sur ses petits pieds. Une telle action laissait penser qu’il lui démontrait la manière d’en user à l’occasion. La mère tenait le carquois vide et l’arc débandé. Au pied du maître gisait un caducée après lequel s’enroulaient des vipères. Là se trouvait le même guerrier dont il est question plus haut, ainsi qu’une femme soulevant le trophée d’une cuirasse très-antique appendue à une lance portant à son extrémité un globe garni de deux ailes entre lesquels était écrit : NIHIL FIRMUM[1].

  1. Rien n’est solide.