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Poliphile, redoutant le danger 0de ce
bois sombre, invoqua l’aide de Diespiter. Il en sortit plein de crainte et accablé de soif. Voulant se restaurer avec de l’eau, il entendit un chant très-suave derrière lui et, en ayant oublié de boire, il retomba dans une angoisse plus grande.



P r, mon esprit était obscurci, mes sens étaient voilés au point que je ne savais quelle décision prendre. Devais-je aller au-devant de l’odieuse mort, devais-je lutter pour mon salut dans ce bois épais et plein d’ombre ? Tout en hésitant, je faisais néanmoins les plus grands efforts pour trouver une issue. Mais plus je m’enfonçais au hasard dans ce bois, plus il devenait obscur. Paralysé par l’émotion, j’attendais, tout uniment, que quelque bête fauve m’assaillît et me dévorât, ou, qu’aveuglé, je tombasse en trébuchant dans quelque fosse, dans quelque abîme profond, dans quelque large fissure de la terre, et que je fusse voué, dès lors, comme Amphiaraus[1] et Curtius, au gouffre méphytique, ou que je fusse précipité de plus haut que ne tomba le désolé Pyrénée[2].

  1. Amphiaraus, devin, fils d’Oiclès, des Argonautes, fut englouti sous terre au siège de Thèbes.
  2. Pyrénée, roi d’une partie de la Phocide. Ayant reçu les Muses,