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LES SALMIGONDIS.


partageait son temps entre la pratique des exercices militaires et l’étude réfléchie du peu de livres qu’il possédait. Dans les réunions publiques, il se montrait sur la place modestement vêtu ; mais sa taille élevée, la noblesse de son maintien, l’expression mélancolique de sa belle physionomie, attiraient tous les regards, bien que des préventions invétérées contre sa race, et la basse envie de flatter le parti dominant, empêchassent qu’on ne lui rendît la justice qu’il méritait. Sa dignité calme était taxé d’orgueil, son affabilité de lâche souplesse ; son désir de se distinguer paraissait l’indice d’un esprit factieux. On disait que le jour où ce rejeton d’une famille abhorrée sortirait de la ville serait un heureux jour. À ces outrages lancés contre lui par des êtres mercenaire ou infatués, Lorenzo ne répondait que par un sourire de mépris, dédaignant de s’en souvenir, souvent même de s’en apercevoir. Il savait trop bien que la fortune ne se serait pas plus tôt éclairée en sa faveur, que l’on verrait ces bouches, maintenant empressées à l’insulter, lui donner mille bénédictions. C’était seulement quand des ennemis moins vulgaires se présentaient sur son chemin, qu’il se redressait de toute sa hauteur, et leur rendait