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jours d’angoisses, elle avait trouvé sa seule consolation. Placée sur le tillac du bâtiment qui l’emmenait loin du rivage canadien, avec Eugène et Maraka, Aimée ne cessa de contempler cette retraite chérie dont chaque partie lui était si familière, dont chaque objet lui rappelait quelque plaisir de son enfance, quelque émotion de sa jeunesse, que lorsqu’elle ne fut plus qu’un point imperceptible à la vue. On dit qu’elle revint plusieurs années après, et que ses descendans habitent encore la province. On dit aussi que Maraka reprit sa résidence favorite, et que l’on voyait pendant un certain temps une femme errer sous les arbres, le long du rivage de l’île, et un canot voguer sur les rapides. Enfin les rives de l’île des Fleurs devinrent aussi désertes qu’elles le sont maintenant ; l’on cessa d’apercevoir la petite nacelle, et l’on supposa que l’Indienne avait péri au milieu des vagues furieuses, dans un moment où ses forces ou sa prudence lui avaient manqué, ou bien qu’elle était morte seule dans l’habitation qu’elle s’était choisie. Depuis, aucun pied humain n’a osé aborder cette terre, et, quand elle deviendrait maintenant accessible, il est probable que soixante années ont tellement