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— II —

bagne industriel, il a souffert les ignominies patronales.

Astreint à une tâche pire que celle de l’esclave romain, il ne quitte l’usine, pour reposer ses membres endoloris, que pour gîter dans un affreux nid de Vautour !

Il ne peut apprendre à lire qu’en prenant sur son sommeil, à écrire qu’en extirpant de son intellect ce que l’atmosphère de la manufacture ou de la mine[1] n’a pas atrophié.

Mais une fois en route, s’il a eu le bonheur d’être aidé par quelques écrits socialistes, comme il se rend vite compte des causes de sa misère : la propriété individuelle, engendrant la concurrence, et la concurrence engendrant l’égoïsme !

N’est-ce pas cette concurrence meurtrière qui enfante les crimes, qui fait l’ami ennemi de l’ami, le frère ennemi du frère, le fils même ennemi du père ?

N’est-ce pas elle encore qui fait du maître l’assassin de l’ouvrier, de celui-ci un mercenaire et une victime ; qui est cause que le nombre des prolétaires augmente, que les salaires diminuent ; qui métamorphose l’honnête homme en voleur, qui fait de l’homme de bonne foi une dupe ?

N’est-ce pas la concurrence, enfin, étayée sur la propriété individuelle, qui transforme le commerce en une véritable arène, en une immense caverne de brigands, et la Terre en un vaste champ de bataille, couvert de gladiateurs, de guerriers, de vainqueurs, de vaincus ; de fripons, de gogos ; d’heureux, de malheureux ; d’opulents nageant dans le superflu et de misérables mourant de faim ?

Comme cet ouvrier comprend alors qu’il n’est que le mouton se couvrant de laine pour le profit de son possesseur ?

Et quelle flamme il déploie pour en faire passer la démonstration dans le cœur de ses collègues de souffrance !

Moins ciselée que l’œuvre d’un bourgeois à gants jaunes, l’humble écrit de ce travailleur aux mains noires aide davantage au triomphe de la Justice.

  1. Les républiques de l’antiquité ne contraignaient au travail des mines que les criminels.