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Oui, maudit soit l’homme qui, le premier, se servant de la force ou de la ruse pour se rendre maître d’une parcelle du bien de tous, a posé le principe exécrable qui régit encore aujourd’hui les sociétés humaines ! Maudit soit le bandit qui, le premier, élevant une barrière entre deux champs, a prononcé cette parole scélérate : « Ici sont nos amis, là sont nos ennemis[1] !

L’homme a donc a pour patrie l’intelligence, et hors d’elle seulement, il est étranger.

Écoutons maintenant un des princes de l’Église — colonne du fanatisme et du pouvoir personnel — l’évêque Bossuet, qui cependant fit cet aveu :

Ôtez le gouvernement, la terre et tous ses biens sont aussi communs entre les hommes que l’air et la lumière. Selon ce droit primitif de la Nature, nul n’a de droit particulier sur quoi que ce soit, et tout est en proie à tous[2].

On ne s’attendrait guère à voir ce personnage, l’idole des cléricafards, nous fournir des armes.

Nous recommandons ce passage aux jésuites tricolores et autres économistes qui, comme les Leroy-Beaulieu, barbotent dans l’auge officielle en affirmant que la propriété est le résultat de l’épargne.

Qu’ils écoutent encore — s’ils sont capables d’entendre toutefois — ce que disait à cet égard, sous Louis-Philippe, un humble ouvrier imprimeur :

Mais, dites-vous, votre faible nature
Aux temps heureux n’a pas prévu la faim ?
— Est-ce en trouvant à peine sa pâture
Que la fourmi se crée un lendemain ?
Vous le savez, l’abeille en sa sagesse
N’admit jamais l’oisif à sa moisson.
Moi j’ai donné mon suc à la mollesse :
Accordez-moi le pain de la prison[3].

Quel est donc le prosateur ennuyeux qui prétendait que la chanson sociale manquait de sel ?


IX

La propriété individuelle et ce qu’on nomme « patriotisme » sont les bases de la dégénérescence et de la servitude humaines.

Le patriotisme, la gloire militaire, comme le Ca-

  1. Lucien Pemjean. — Plus de frontières, p. 8 et 9.
  2. De Laveleye. — De la Propriété et de ses formes primitives, p. 388.
  3. Louis Votelain. — Le Vieux Prolétaire, dans ses Œuvres politiques, p. 32.