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III

Dans l’état actuel de la science, le machinisme est déjà suffisamment développé pour suffire aux besoins de tous les hommes.

Sans l’affreux gaspillage des forces humaines qui caractérise l’industrie aux mains des capitalistes, il est démontré que tout être valide de dix-huit à quarante ans pourrait ne travailler que trois heures par jour et à peine quatre jours par semaine.

Ce court laps de temps passé au labeur intellectuel ou manuel suffirait à toutes les nécessités de bien-être et de luxe de l’humanité entière.

Que sera-ce donc au lendemain de la Révolution sociale, lorsque les inventeurs pourront donner libre carrière à leur génie ?

La mère de famille, qui a assez à faire d’élever ses enfants et de prendre soin de son ménage, ne serait plus alors contrainte d’aller s’atrophier et se pervertir, pour un salaire dérisoire, dans quelque bagne industriel[1].

Mais essayez de convertir certains travailleurs, atteints de cette maladie plus désastreuse que le choléra asiatique même, et qui se nomme la travaillomanie !

Comme des perroquets d’Arcadie, écrit Lafargue dans le Droit à la paresse, ils répètent la leçon des économistes : « Travaillons, travaillons, pour accroître la richesse nationale. » Ô idiots ! c’est parce que vous travaillez trop que l’outillage industriel se développe lentement.

Cessez de braire et écoutez un économiste ; il n’est pas un aigle : ce n’est que M. L. Reybaud, que nous avons eu le bonheur de perdre il y a quelques années :

« C’est en général sur les conditions de la main-d’œuvre que se règle la révolution dans les méthodes du travail. Tant que la main-d’œuvre fournit ses services à bas prix, on la prodigue ; on cherche à l’épargner quand ses services deviennent plus coûteux. »

Pour forcer les capitalistes à perfectionner leurs machines de bois et de fer, il faut hausser les salaires et diminuer les heures de travail des machines de chair et d’os.

Les preuves à l’appui ? c’est par centaines que l’on peut les fournir.

  1. Nos modernes « défenseurs de la famille » arrachent la femme et la jeune fille à leur foyer pour les traîner dans leurs usines, où la pudeur de l’une, la virginité de l’autre, ont bientôt disparu, pendant que les petits sont à la salle d’asile et les derniers-nés à la crèche.

    À la tête de ces charlatans de la morale, on est toujours sûr de rencontrer quelque philanthrope en train de réaliser une grosse fortune.