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« Les temps héroïques, disent-ils, sont passés. »

Comme si, par l’arrivée au pouvoir des bancocrates et des saltimbanques politiques, l’œuvre de la Révolution était terminée ; comme si tant de larmes et de sang versés, tant de tortures subies, tant de victimes sacrifiées, tant de dévouements mis au service de l’idée nouvelle ne l’avaient été que pour donner aux fils des bourgeois de 89 la puissance et les privilèges qu’avaient jadis les nobles !

Voici quinze ans que, pour la troisième fois, cette République nominale existe : qu’a-t-elle fait pour le peuple ?

Quel spectacle nous montre-t-elle, du haut en bas de l’échelle sociale ?

En haut, une poignée d’oiseaux de proie, de parasites, dispensés de toute œuvre utile, de toute obligation réelle.

En bas, la foule des prolétaires, des salariés, qui lutte et succombe sous l’étreinte des vampires du Capital.

Paysan courbé et ridé, dis-nous si le député cher à ton cœur t’a enlevé la moindre charge de tes abrutissants labeurs ; dis-nous si tes républicains gouvernementaux ne t’ont pas volé comme leurs congénères monarchistes.

Ouvriers des chiourmes et des fosses capitalistes, dites-nous si vos élus ont empêché vos bourreaux, leurs complices, de vous rationner et de souiller vos filles hâves de privations avec le produit de vos peines.

Femmes, dites-nous si les ministères qui se succèdent et fatalement se ressemblent ont rendu une seule goutte de lait à vos seins taris, ou ont donné sa suffisance à votre estomac délabré ; dites-nous si vous ne continuez pas à regarder, comme Tantale, le pain qu’on expose à vos regards faméliques.

Enfants, dites-nous quelles sont les misères que vous n’avez pas connues.

Cet ordre social, qui donne tout à ceux qui ne font rien, et rien à ceux qui font tout, serait-il immuable ?

Nous ne le pensons pas.

Depuis quelques années, un réveil se produit dans le monde entier.