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doyante, avec une écharpe de cachemire aux grandes arabesques, d’un excellent et fin goût français. Je ne l’avais vue encore aussi élégamment parée et j’en demeurais surpris, lorsque s’avançant vers moi avec une grâce et une désinvolture enchanteresses, elle me dit : « Signor Pagello, j’aurais besoin de votre compagnie pour aller faire quelques petits achats, si cependant cela ne vous dérange pas. »

Les achats n’étaient qu’un prétexte pour le tête-à-tête. Elle eut tôt fait d’aborder le chapitre des confidences, de se plaindre du caractère et des procédés d’Alfred de Musset, et de manifester sa résolution de ne pas retourner avec lui en France. « Je vis alors mon sort, soupire Pagello, je n’en eus ni joie ni douleur, mais je m’y engouffrai les yeux fermés. » La promenade dura trois heures, et l’on ne fit aucune emplette. « Nous parlâmes comme tout le monde en pareil cas. C’étaient les variations accoutumées du verbe je t’aime. »

À moins que l’on ne révoque en doute l’authenticité de ce récit et de la « déclaration au stupide Pagello » — ce qui n’a jamais été tenté — il est acquis qu’au cours même de la maladie d’Alfred de Musset George Sand s’abandonnait à un autre amour. Fut-il d’abord platonique ? Le docteur vénitien s’abstient de nous l’apprendre, et tout au contraire Paul de Musset produit une incrimination, qui serait accablante si elle était véridique. Il prétend que son frère lui aurait dicté, en décembre 1852, une relation dont il a transmis à sa sœur l’autographe et qui est l’équivalent de la scène fameuse de Lui et Elle. Edouard de Falconey, presque moribond, voyant sa maîtresse dans les