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« Nés sous des cieux différents, nous n’avons ni les mêmes pensées ni le même langage ; avons-nous du moins des cœurs semblables ? Le tiède et brumeux climat d’où je viens m’a laissé des impressions douces et mélancoliques : le généreux soleil qui a bruni ton front, quelles passions t’a-t-il données ? Je sais aimer et soulTrir, et toi, comment aimes-tu ? L’ardeur de tes regards, l’étreinte violente de tes bras, l’audace de tes désirs me tentent et me font peur. Je ne sais ni combattre ta passion ni la partager. Dans mon pays ou n’aime pas ainsi : je suis auprès de toi comme une pâle statue, je te regarde avec étonnement, avec désir, avec inquiétude. »

Elle continue, usant de ce don du développement qui lui est propre, et elle s’afflige de ne pas parler la même langue. Ce sont ensuite des questions singulièrement indiscrètes, qu’une femme ne pose pas, auxquelles un homme ne saurait répondre. Et voici la conclusion de ces pages, où le lyrisme romantique s’allie à de maladives curiosités qui devaient déconcerter le simple Pagello :

« Je ne sais ni ta vie passée, ni ton caractère, ni ce que les hommes qui te connaissent pensent de toi. Peut-être es-tu le premier, peut-être le dernier d’entre eux. Je t’aime sans savoir si je pourrai t’estimer, je t’aime parce que tu me plais, peut être serai-je forcée de te haïr bientôt.

» Si tu étais un homme de ma patrie, je t’interrogerais et tu me comprendrais. Mais je serais peut-être plus malheureuse encore, car tu me tromperais. Toi, du moins, tu ne me tromperas pas, tu ne me feras pas de vaines promesses et de faux serments. Tu m’aimeras comme tu sais et