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VILLIERS DE L ISLE-ADAM. 27

Villiers s’est perdu dans la foule. Quelque native difficulté qu’il éprouvât, quand il était seul avec sa pensée, à la prendre corps à corps, une meilleure discipline de travail aurait dompté sa fougue capricante. Il avait à son service une des imaginations les plus fougueuses qu’un homme ait jamais possédées ; c’était proprement un dragon ailé toujours prêt à partir pour le pays de chimère, impatient du joug bas du sens commun, superbe dans les envolées, vite fourbu quand on l'asservissait aux besognes longues, régulières, laborieuses. Villiers ne s’est jamais sérieusement efforcé d’atteler cette chimère à la charrue. Il aimait mieux se laisser emporter par elle, éperdu, à moitié fou, au pays du fantastique.

Et c’est vraiment là qu’il a régné en roi, c’est là qu’il s’est taillé sa province, un domaine dont on ne le dépossédera pas. C’est là qu’il se réfugiait de toutes les tristesses de sa vie manquée, de tous ses rêves de gloire, d’amour et de chevalerie.