facilement ma trace… Et quel plaisir pour lui de se moquer de moi, et de faire échouer ma mission !
L’abbé Castanède, chef de la police de la congrégation, sur toute la frontière du nord, ne l’avait heureusement pas reconnu. Et les jésuites de Strasbourg, quoique très zélés, ne songèrent nullement à observer Julien, qui, avec sa croix et sa redingote bleue, avait l’air d’un jeune militaire fort occupé de sa personne.
LIV
Strasbourg.
Forcé de passer huit jours à Strasbourg, Julien cherchait à se distraire par des idées de gloire militaire et de dévouement à la patrie. Était-il donc amoureux ? il n’en savait rien, il trouvait seulement dans son âme bourrelée Mathilde maîtresse absolue de son bonheur comme de son imagination. Il avait besoin de toute l’énergie de son caractère pour se maintenir au-dessus du désespoir. Penser à ce qui n’avait pas quelque rapport à mademoiselle de La Mole était hors de sa puissance. L’ambition, les simples succès de vanité le distrayaient autrefois des sentiments que madame de Rênal lui avait inspirés. Mathilde avait tout absorbé ; il la trouvait partout dans l’avenir.
De toutes parts, dans cet avenir, Julien voyait le manque de succès. Cet être que l’on a vu à Verrières si rempli de présomption, si orgueilleux, était tombé dans un excès de modestie ridicule.
Trois jours auparavant il eût tué avec plaisir l’abbé Castanè-