depuis cinq minutes, que son amabilité en fut déconcertée. C’était pourtant un homme d’esprit et fort renommé comme tel.
Mathilde a de la singularité, pensa-t-il ; c’est un inconvénient, mais elle donne une si belle position sociale à son mari ! Je ne sais comment fait ce marquis de La Mole ; il est lié avec ce qu’il y a de mieux dans tous les partis ; c’est un homme qui ne peut sombrer. Et d’ailleurs cette singularité de Mathilde peut passer pour du génie. Avec une haute naissance et beaucoup de fortune, le génie n’est point un ridicule, et alors quelle distinction ! Elle a si bien d’ailleurs, quand elle veut, ce mélange d’esprit, de caractère et d’à-propos, qui fait l’amabilité parfaite… Comme il est difficile de faire bien deux choses à la fois, le marquis répondait à Mathilde, d’un air vide et comme récitant une leçon :
— Qui ne connaît ce pauvre Altamira ? Et il lui faisait l’histoire de sa conspiration manquée, ridicule, absurde.
— Très absurde ! dit Mathilde, comme se parlant à elle-même, mais il a agi. Je veux voir un homme ; amenez-le-moi, dit-elle au marquis très choqué.
Le comte Altamira était un des admirateurs les plus déclarés de l’air hautain et presque impertinent de mademoiselle de La Mole ; elle était suivant lui l’une des plus belles personnes de Paris.
— Comme elle serait belle sur un trône ! dit-il à M. de Croisenois ; et il se laissa amener sans difficultés.
Il ne manque pas de gens dans le monde qui veulent établir que rien n’est de mauvais ton comme une conspiration au XIXe siècle ; cela sent le jacobin. Et quoi de plus laid que le jacobin sans succès ?
Le regard de Mathilde se moquait du libéralisme d’Altamira avec M. de Croisenois, mais elle l’écoutait avec plaisir.
Un conspirateur au bal, c’est un joli contraste, pensait-elle. Elle trouvait à celui-ci, avec ses moustaches noires, la figure du lion quand il se repose ; mais elle s’aperçut bientôt que son esprit n’avait qu’une attitude : l’utilité, l’admiration pour l’utilité.
Excepté ce qui pouvait donner à son pays le gouvernement